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Sermon pour le Fils du Tonnerre — poésie de Roman Brandstaetter sur Pâques

Il ne faut pas croire tout le temps de la même façon, mon fils,

Il faut croire chaque jour de manière différente et de manière plus intelligente

Et chaque jour il faut aller à Dieu                                                                                     

Par un chemin différent,

Découvert seulement par soi même.

Car la foi n’est pas une vasque d'Heshbone,

Mais le Jourdain de notre devenir continu.

La foi coule, mon fils.

*

Attaches entre elles les contradictions

Comme des fleurs de toutes les couleurs

En un unique bouquet,

Qui s’élève sur ta table

Dans un flacon de cristal.

*

Mais souviens-toi que beaucoup de dieux

Et beaucoup de paradis perdus

Reposent dans les livres engloutis de la terre.

Et souviens-toi que beaucoup de langues mortes

Dorment dans les obélisques

Et dans des rouleaux d’épopées,

Dont personne ne connaît l’existence.

La voix des morts de bandes magnétiques

Est une éternité stérile, mon fils.

*

Entres en rêve comme le prince Clarence

Dans l’abyme de l’océan et vas au travers d'épineux

Buissons de corail, par les éponges, les murènes

Et les pieuvres, vers les squelettes des navires

Rongés par les poissons. Ci gisent

D’énormes ancres et des lingots

D’or pur, des brassées de perles

Et de pierres précieuses et des tapis de rubis,

Recouvrant comme un linceul sanglant

Les montagnes sous-marines. Certains de ces trésors

Se figent dans les globes oculaires de crânes, où autrefois

Habitaient des yeux et brûlent de feu

Comme un ricanement vivant ! Ils se moquent

Des ossements humains jetés autour

Et fixent sans pitié le néant

De Ton héritage.

*

Nous sommes tous, mon fils,

Comme le passant assoiffé,

Qui un instant avant la catastrophe tectonique

Est entré dans un bar de la banlieue de Pompéi

Et a posé sur le comptoir une pièce de cuivre,

Mais est mort avant d’avoir étanché sa soif.

Aujourd‘hui, il est une ombre antique,

Qui s’étend tous les jours au coucher du soleil

Sur ma main.

Moi aussi je m’étendrais au coucher du soleil

Sur la main de l’homme de demain.

Vers qui pries-tu mon fils ?

Vers Dieu ou vers ton envie ?

*

Non omnis moriar.

L’Evangile ne sera jamais

La nourriture des poissons et des oiseaux

Ni ne sera la Pompéi ensevelie,

Mais elle durera toujours

Sur les montagnes sous-marines

Et sur les montagnes sous-célestes,

Car elle est la bouche de Dieu.

Prie vers Lui, mon fils,

Même si avant que tu ne Lui demandes,

Lui sait déjà ce dont tu as besoin

En vérité tes mots sont inutiles

Mais ils doivent être une confirmation ardente

De tes profondes aspirations.

Le Ciel exige des confirmations continues.

*

Comme le paralytique,

Attendant au bord de la piscine de Bethsaïda,

Attends au bord de l’Evangile

A l’ombre des cinq portiques

Que l’eau soit remuée

Par l’aile d’un ange invisible.

La surface de l’eau se ridera comme un front.

Alors rentres avec confiance dans l’eau mouvante,

Dans le front pensif de l’Evangile.

Tag(s) : #peintres&graphistes du cru, #en poésie, #elle l'Eglise de nos rêves, #-Wojciech Siudmak

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