Il ne faut pas croire tout le temps de la même façon, mon fils,
Il faut croire chaque jour de manière différente et de manière plus intelligente
Et chaque jour il faut aller à Dieu
Par un chemin différent,
Découvert seulement par soi même.
Car la foi n’est pas une vasque d'Heshbone,
Mais le Jourdain de notre devenir continu.
La foi coule, mon fils.
*
Attaches entre elles les contradictions
Comme des fleurs de toutes les couleurs
En un unique bouquet,
Qui s’élève sur ta table
Dans un flacon de cristal.
*
Mais souviens-toi que beaucoup de dieux
Et beaucoup de paradis perdus
Reposent dans les livres engloutis de la terre.
Et souviens-toi que beaucoup de langues mortes
Dorment dans les obélisques
Et dans des rouleaux d’épopées,
Dont personne ne connaît l’existence.
La voix des morts de bandes magnétiques
Est une éternité stérile, mon fils.
*
Entres en rêve comme le prince Clarence
Dans l’abyme de l’océan et vas au travers d'épineux
Buissons de corail, par les éponges, les murènes
Et les pieuvres, vers les squelettes des navires
Rongés par les poissons. Ci gisent
D’énormes ancres et des lingots
D’or pur, des brassées de perles
Et de pierres précieuses et des tapis de rubis,
Recouvrant comme un linceul sanglant
Les montagnes sous-marines. Certains de ces trésors
Se figent dans les globes oculaires de crânes, où autrefois
Habitaient des yeux et brûlent de feu
Comme un ricanement vivant ! Ils se moquent
Des ossements humains jetés autour
Et fixent sans pitié le néant
De Ton héritage.
*
Nous sommes tous, mon fils,
Comme le passant assoiffé,
Qui un instant avant la catastrophe tectonique
Est entré dans un bar de la banlieue de Pompéi
Et a posé sur le comptoir une pièce de cuivre,
Mais est mort avant d’avoir étanché sa soif.
Aujourd‘hui, il est une ombre antique,
Qui s’étend tous les jours au coucher du soleil
Sur ma main.
Moi aussi je m’étendrais au coucher du soleil
Sur la main de l’homme de demain.
Vers qui pries-tu mon fils ?
Vers Dieu ou vers ton envie ?
*
Non omnis moriar.
L’Evangile ne sera jamais
La nourriture des poissons et des oiseaux
Ni ne sera la Pompéi ensevelie,
Mais elle durera toujours
Sur les montagnes sous-marines
Et sur les montagnes sous-célestes,
Car elle est la bouche de Dieu.
Prie vers Lui, mon fils,
Même si avant que tu ne Lui demandes,
Lui sait déjà ce dont tu as besoin
En vérité tes mots sont inutiles
Mais ils doivent être une confirmation ardente
De tes profondes aspirations.
Le Ciel exige des confirmations continues.
*
Comme le paralytique,
Attendant au bord de la piscine de Bethsaïda,
Attends au bord de l’Evangile
A l’ombre des cinq portiques
Que l’eau soit remuée
Par l’aile d’un ange invisible.
La surface de l’eau se ridera comme un front.
Alors rentres avec confiance dans l’eau mouvante,
Dans le front pensif de l’Evangile.